Retour de stage avec les Glénans

Histoire de mer avec les Glénans ….

Le mois d’octobre en cette année 2004 offre à Concarneau une plénitude inhabituelle. Vent force 2, mer calme, les premiers jours de mer sont quelques peu tranquilles. Je dis tranquille car pas ennuyeux, les paysages bretons nous émerveillent sur chaque bord (et pourtant malgré mon appartenance à la Bretagne, je suis toujours aussi façiné). Roches isolées, accidentées, dangereuses, la navigation est donc à l’attention.

Nous ne sommes pas aguerris et tout le monde le sait. Stage de niveau 2, nous sommes quelque peu novice et ce voilier de 30 pieds nous impressionne même si on ne le dit pas. L’équipage est un peu hétéroclite. Un moniteur (intermittent du spectacle, un médecin urgentiste, un suisse, une journaliste et un CRS (moi)), c’est un peu un mélange explosif sur terre…. Mais sur mer, rien n’est pareil…

Nous faisons route vers la rade de Lorient, précisément sur le port de Locmiquelic où nous avons prévu une escale pour la nuit. Navigation collégiale sans incident, bref autour de nous, le ciel bleu en cet automne , est clément et tant à l’apaisement.

Peu avant l’arrivée, le vent se lève et donne par bourrasques. J’ai la barre. Autour de moi, les gens s’affairent. Aux voiles, au livre de bord, à la carte. Distinguant les bouées cardinales, je positionne le bateau dans le chenal d’entrée en fonction du vent. Ce qui m’amène en pleine rade, à faire un 360 degrés sans rien comprendre. Les voiles trop bien bordées, la barre est devenue très dure, et en une fraction de seconde, je n’ai pu maîtriser le bateau qui empannait et effectuait un magnifique tour sur lui même, heureusement sans incident, mise à part une fierté personnelle ébranlée !

Bref, comme toujours, tout se terminait bien. On racontait nos récits devant une bonne bière au Pub Irlandais sur le port.

Le lendemain, départ vers Belle Ile. Navigation tranquille avec une mer belle et un vent à 3 nœuds, quelque fois à 4, mais pas souvent.

Ainsi se profile, au loin devant l’étrave, le pointe des Poulains. Paysages merveilleux, sentiment d’être un marin qui revient du bout du monde (…. !), après un virement de bord, Sauzon nous ouvre ses bras. Son port d’échouage désert nous laisse le choix des corps mords. Gonflage de l’annexe et tout le monde s’empresse de visite la ville ! Ses maisons colorées, ses ruelles, ses traditions, ses habitants…. Ici le temps s’arrête. L’existence ne vit qu’au fil des marées, et tout le monde en convient, on est heureux….

Mais déjà il faut repartir. Et oui, notre passion c’est le bateau, et un marin (même en herbe) qui reste trop à terre, à un terrible vide dans sa vie, une impression de perdre son temps. Ca ne s’explique pas, il n’y a pas de mot pour ca. Les autres gens ne le comprennent pas. J’ai essayé de transmettre cette fibre qui vous parle, sans résultat. La mer, ca se partage. Mais ca se partage et ca se vit uniquement entre marins.

Aussi, nous levons l’ancre et mettons le cap vers Le Palais, port principal de l’ile. Le temps se couvre mais la distance n’est pas grande. Après quelques milles, dont la navigation côtière avec ces paysages, nous ont apporté que du bonheur, la citadèle s’offre à nous. Arrivés dans le port d’échouage, nous mettons le moteur in-bord en route et affalons la grand voile. La encore, l’erreur nous guette. La bosse de ris (bien trop grande) tombe à l’eau et s’engouffre autour de l’arbre d’hélice. Le moteur cale…. La situation est claire : nous ne sommes pas amarés, les voiles sont tombées, et le moteur en panne et nous sommes que dans la passe du port ! … Par chance, le bateau de la capitainerie effectue sa ronde, et nous voyant en difficulté, nous lance un bout. C’est ainsi que nous rejoignons, peu glorieux, le corps mord situé dans l’avant port….

La devise des Glénans est de faire face à l’imprévu. Bref il fallait réparer. Nous étions cinq à bord, il en fallait un qui plonge pour nettoyer l’arbre d’hélice. L’eau n’est pas chaude en ce mois d’octobre dans l’avant port de Belle Ille, et chacun se regarde, et se dit « qui va y aller ». Pas de volontaire. Habitué par mon métier, à bien des sacrifices, je décide d’y aller. ( Là je me fais plaisir, un peu d’éloge çà fait pas de mal de temps en temps, on est tous pareil non ? ) Je plonge donc en slip, avec des lunettes de plongée et un couteau bien affuté (que le moniteur m’avait confié). Par le froid, j’étais tétanisé. J’avais bien du mal a atteindre le bras d’hélice et après avoir donné deux ou trois coup de couteau, j’étais obligé de remonter à la surface. Quel sauvetage désastreux !
Bref, après quinze minutes dans l’eau, une trentaine d’apnée, j’ai toutefois réussi à libérer l’arbre du mieux que j’ai pu. Un de mes coéquipier (le médecin) m’avait préparé un chocolat chaud dès mon retour à bord qui m’a fait le plus grand bien !. Je n’ai pas eu la bise de la journaliste !

Aussi, dès le lendemain, nous reprenons la mer. Avec le moteur s’il vous plait ! Nous étions tous avides de mer et ces rafales à 5 voire 6 ne nous faisait pas peur. Enfin presque, puisque peu après la sortie du port, le moteur cala ! Donc demi tour, et rentrer au port par nos propres moyens…

Le lendemain, nous contactons la base des Glénans de Concarneau. L’association travaillant en partenariat avec certaines villes, certains ports, l’endroit le plus proche pour réparer est l’Ile de Groix, à Port Tudy.

La mer est mauvaise. Force 7, rafale à 8, des creux de 4 mètres. Mais on part quand même. Les Glénans ne serait pas les Glénans si pour le moindre coup de vent, nous restions à terre…

Sortis du port, un ris dans la grand voile, le génois sur enrouleur, a demi déployé, nous partons affronté cette nature qui est devenue hostile, et au près s’il vous plait !

Rapidement, nous nous rendons compte que nous sommes trop « toilés ». Aussi, deux de mes collègues reprennent un ris dans la grande voile, on réduit encore le génois et quand à moi, je pars à l’avant sortir le solent du sac et le fixer à l’aide des mousquetons prévus, sur l’étais largable. Je ne joue pas le héros. Arrimé à la ligne de vie, je tente tant bien que mal, à fixer le sac au balcon puis la voile sur l’étais. Tantôt dans le ciel, tantôt dans l’eau … Mais contrairement à ce que j’aurai pu penser, je n’ai pas peur. Au contraire, je ne veux pas que cela cesse. C’est tout bonnement génial. Une fois la voile hissée, je reste encore à l’avant, à subir les embruns, les vagues qui claquent. Il faut prendre un ris dans le solent. Pas de problème, je peux donc rester quelques minutes de plus. Le nœud de chaise est glissant, pourtant je m’applique à le faire, mais suis obligé d’y retourner au point d’en faire un deuxième sous le premier. Ca tient. Ouf ! Le moniteur me crie dessus. Il faut que je revienne vers l’arrière. La journaliste est malade, nous ne sommes plus que quatre à la manœuvre. Le moniteur devant superviser, est reléguer à la navigation et au livre de bord. Le médecin est à la barre, le suisse à la grand voile, je suis sur la voile d’avant. On en prend plein la gueule ! Nous décidons d’effectuer un relèvement. Puis un second après une heure de lutte. Le résultat est stupéfiant, nous n’avons pas progressé d’un centimètre ! Bref, on se fait casser la gu…. !

Il faut alors virer pour rentrer au Palais. Nous guettons la vague qui nous facilitera la tache afin de laisser le moins de temps possible le bateau de travers. Nous surfons. Quelle agréable sensation de donner un coup de barre sur le sommet de la vague et sentir un bateau de 10 mètres se poser délicatement sur la suivante. Dans nos têtes, la seule pensée c’est la mer (mis à part la journaliste !). Une plénitude totale pour nous alors que la mer nous montre sa colère.

Enfin nous nous décidons. On vire. Le paysage de Belle Ile nous semble maintenant familier. Pourtant, nous ne perdons à l’esprit que un, nous avons perdu la bataille et deux, qu’il va falloir rentrer à la voile, sans moteur ! Les éléments se déchaînent mais nous avons tous en tête la manœuvre qui nous attend. On prête donc moins d’attention au aléa de l’océan.

Nous virons largement afin de profiter du vent pour nous amener dans le port d’échouage abriter par la digue. Pas de souci, tout se fait calmement.

On pourrait dire, une journée de perdue …. Et bien non, quelle journée …. La colère de la mer, la violence des vagues, la solidarité à bord, l’application des connaissances (si minimes qu’elles soient), composent cet instant magique qui restera gravé, pour nous tous, à tout jamais.

D’ailleurs dès le lendemain, nous remettons ça. La mer s’est calmée. Force 4, 5 annoncée. De la rigolade après ce qu’on vient de vivre ! Et nous faisons route !

En soirée, Groix est devant nous. L’entrée de Port Tudy affiche ses couleurs. Le vent n’a pas moli et nous sommes sur le jusant. Notre Dufour 30 ne peut s’échouer. Il faut rentrer dans le port (l’avant port ne suffisant pas).
Le problème est qu’il faut longer la digue, donc couper du vent, bifurquer sur babord et s’amarrer sur les tatoués sur tribord.
Génial quand on n’a pas de moteur !

Allez on se lance. On prend un maximum de vitesse avant de virer derrière la digue. On est à 4,5 nœuds, on vire. Le premier virement nous offre un bon portant sur tribord amure mais dès la digue franchit, on dévente. On tire un puis deux puis tentons un troisième bord. Ne maîtrisant plus le bateau, nous fixons tous les barbatages sur le coté tribord, coté de la digue et coté où se dirige le bateau sans contrôle. Le choc amorti est donc sans gravité. L’un de nous grimpe à l’échelle du quai, tenant un bout afin de tirer le bateau dans l’axe des pontons en espérant le conduire dans l’axe du chenal et priant une brise nous guidant vers le tatoué. Voilà le projet.
Pour le moment, le bateau est immobilisé contre la digue. Notre calcul de marée nous indique une hauteur d’eau d’un mètre alors que nous avons un tirant d’eau deux fois supérieur, et le bateau ne peut s’échouer ! (au risque de voir la quille transpercer le carré !). Nous n’arrivons pas à le tirer. Grand moment de solitude ! C’est alors qu’arrive un individu vêtu d’une marinière, déclarant être en ancien stagiaire des Glénans, avoir un voilier de location amarré au ponton et désireux de nous aider… Un Dieu venu du ciel ! Un fils de Posséidon sans doute ! Les marins ont une solidarité qu’un « terriens » ne peut comprendre !).

Et nous voilà arrimé au ponton ! Reste plus qu’a prendre le porte monnaie et remercier au Pub notre sauveur de façon convenable ! (Ce n’est pas un souci pour nous !)

Le mécanicien « franchisé » par l’école des Glénans arrive sur place à . … 15 heures ! Toute la matinée, nous avions vue sur son atelier situé sur le port, juxtant les bateaux à quai.
Bref, la panne est due (non pas au bout dans l’hélice) mais au filtre à gasoil rempli d’eau de mer. Une durite d’arrivée de carburant est également bouchée.

Il est 18 heures, nous sommes Jeudi. Le stage prenant fin de vendredi à Concarneau, il est sage d’envisager le retour, malgré un vent de force 2.
Aussi, la réparation effectuée, nous prenons la mer. Il faut dire que cette journée d’attente à mis nos nerfs à vif !

Très vite, nous naviguons de nuit. Bien qu’interdit sur le programme niveau 2, nous nous débrouillons très bien. C’est encore mieux la nuit pour trouver son chemin ! Les phares, les balises, les bouées, ou tout autres choses sont munies de feux spécifiques et notifiés sur la carte. Fini le temps en plein jour, à ce dire quel est ce château d’eau, et cette pointe, au loin cette marque ?… La nuit, tout devient clair. S’en est même plus facile. Et quel silence, quelle tranquillité, quelle solitude, l’océan est à nous, est pour nous….

Mais déjà, Concarneau se profile devant nous. Il est environ 3 heures du matin, la marée, malgré le jusant, nous permet de rentrer. Le spectacle est magnifique, silencieux. On ne peux que mal le raconter.

Le ponton est à l’approche, nous sortons les gardes et les aussières. L’accostage est sans souci. Nous sommes déjà rodé à la manœuvre et aux nœuds marins. L’instant est magique. Le bateau est à l’arrêt, et tout le monde sait que l’on ne repartira pas, que c’était la seule et dernière navigation de ce stage. Je ne sais pas quel sentiment adopté : la fatigue de cette « nav » de nuit, la nostalgie a quitter le groupe et ce bateau, ou à ce dire « la vie reprend son cours …. »

Bref, debout 10 heures, je pars, ma trousse de toilette sous le bras vers la capitainerie, et sur la place, je constate la présence d’un immense marché ! Le problème c’est que ma voiture y était garée ! Avant quelle ne finisse en fourrière … ! Génial le retour sur la terre ferme …..

SEB PST
Stage Glénans niveau 2 à Concarneau
du 16 au 23 octobre 2004.

L'équipage
18 août 2005
18 août 2005

exellent stage quoi...
à ce que j'en lit, ce fut un stage tres formateur, donc reussi.
bon le dufour 30 dans les creux de 4m avec force 8 avec des stagiaires 2 voiles, c'est pas top au niveau secu, le responsable croisière de la base a du s'arracher les cheveux !!!
Si tu le souhaite, il existe un concours recit de stage. tu auras l'opportunité de gagner un petit stage hors saison.

18 août 2005

à quand....
le niveau 3?

Tu as du quand même bien t"éclater! :-)

18 août 2005

Ah, la voile!
Merci pour ce récit vivant; du coup, les CRS me deviennent plus sympathiques. J'aime bien la description de l'équipage, composé de personnes exerçant diverses professions et... d'un Suisse.

18 août 2005

Comme Franz ...
Je dis passionnant ce récit, comme quoi on peut etre CRS et excellent conteur (quant à la voiture en fourrière, je dis bien fait pour toi ;-))
Amicalement.
Gilles :-)

18 août 2005

Ouais sympa
Et pour une fois qu'un CRS affronte des moutons...ca doit changer !
Par contre force 8 en cotier avant de partir =&gt journee au bistrot et comme ca la SNSM peut jouer aux dominos...

20 août 2005

et hop
çà remonte

:pouce:

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