Ce week end, j'étais capitaine d'un petit cargo et j'ai adoré

Mon pote Serge, doté de 4 enfants très copains avec les 2 miens et d’une femme très copine avec la mienne, voulait faire du bateau. Connaissant mon peu d’intérêt pour les monocoques, difficiles à trouver d’ailleurs pour 10 personnes, nous imaginons de louer un grand cata pour le we du 1er mai.
Le monde est petit et nous verrons vite qu’entre Marseille et Cannes il n’y a pas plus d’une dizaine de cata de 45’ disponibles. Il y en a quelques-uns plus grand, mais avec skipper.

On choisit finalement un Lagoon 450 aux Marines de Cogolin.
Arrivée des deux familles dans l’aprèm. Ils commencent l’inventaire. Je les rejoints juste avant 20 h, pour comprendre assez vite que ce machin est une usine à gaz. La fille de l’agence, très sympa, recommence ses explications, sans doute confiante dans la pédagogie de la répétition. Le bateau regorge d’équipements électriques, du dessal aux winchs électriques, mais le tableau se limite à une dizaine d’interrupteurs on/off. Rien n’est apparent, tout est dissimulé dans des placards.

Bref, en 10 mn d’explication on se retrouve noyé sous un flot d’information, mais la pile de manuels sur le buffet nous laissent penser que l’on trouvera bien la réponse aux problèmes dedans. En fait, le principe de ce bateau est simple : l’équipage ne dispose que de très peu de possibilité de choix. Si ça ne marche pas, il faut appeler la base.

Question voilerie, un génois sur enrouleur, une GV à corne et un gennaker.

Une demi-heure plus tard, nous sommes livrés à nous même. Le choix est simple : resto ici et on part demain matin, ou on dégage direct, et apéro repas au mouillage. A côté de nous, un gars avec sa meuleuse, avec un air qui nous fait penser qu’il sera à pied d’œuvre à 6 h du mat. En face, une dragueuse. Ok, on se barre.

Je regarde comment est amarré notre engin, 15 m x 8. Curieusement, il est face au quai. Je regarde les jupes, pas de pendille, pas de bouée, rien. En fait, il est écrasé étraves contre le quai. Il y a donc juste deux amarres à chaque étraves, souquées comme des bêtes, pour le tenir en place.
Bon, on largue tout ça. Je suis sur le flying deck, à 4 m au-dessus de l’eau, visi parfaite sur le lointain, mais on ne voit rien derrière. Ce qui explique l’amarrage en marche avant. Les moteurs au ralenti sur l’eau plate du port, et l’on est à 5 nds. OK, il faut y aller mollo.

Magnifique poste de barre, bien que très exposé. Un grand écran raymarine, 2 répétiteurs, l’écran du pilote. Une barre à roue, le piano avec deux winchs électrique. Sortie du port, pilote. La vie est belle. Il n’y a pas de vent.

On mouille aux Canoubiers. Coup d’œil au tableau. Je remarque un chiffre « 24A ». Je comprends que c’est la conso. OK, il y a deux frigos et un congélateur, mais un seul inter « groupe froid » sur le tableau. Pareil pour l’eau. Il y a un bouton « groupe pression », mais pas moyen de moduler par zone (cuisine, douches…). Baisser la consommation va être un choix constamment binaire. C’est tout ou rien. Du froid, ou pas de froid. De l’eau ou pas d’eau.

Il y a des trucs surprenants. 1.200 litres de gazoil à bord, mais seulement une dizaine de litres d’essence dans le réservoir de l’annexe, doté d’un 20 cv. Et toujours, la faiblesse de l’information disponible sur le fonctionnement des équipements du bord. Un écran donne la tension de la batterie et le courant consommé en A, mais c’est tout. Il y a trois panneaux solaires, impossible de savoir s’ils produisent et combien. Il y a un groupe électrogène, pareil, aucune indication sur le courant de charge qu’il produit. Il y a des consommateurs partout, mais aucun bouton individuel pour les mettre en route, les arrêter et aucune info sur leur consommation ou simplement leur fonctionnement.

Je me dis, ouvrant les planchers pour rechercher comment avoir de l’eau douce alors que rien ne sort des robinets alors que la jauge indique un réservoir vide et un réservoir plein, que la maintenance de ce bateau doit être un grand moment de plaisir. Chaque recoin est rempli de trucs, pompes, rupteurs, câblage, moteur électrique, capteur… Je mettrais deux jours pour identifier la provenance d’un petit ronronnement. C’était l’antenne du radar, pilotable uniquement depuis l’écran raymarine du fly, qui était allumée.

On fera une vingtaine de milles en 3 jours (c’est dire, on ne dépassera pas le cap Taillat), en alternant les mouillages, le bateau est vraiment confortable, bien construit et assez réfléchi. Quelques préjugés commencent à tomber ce genre d’engin. Du plastique, du bois de deux tons différents, la déco est plutôt agréable. Toutes les surfaces sont soit verticales, soit horizontales. Rien de courbe ou de tordu comme dans nos voiliers. C’est manifestement rassurant pour l’équipage pas du tout amariné. La cuisine, entre carré et cockpit largement suffisante (un four, un micro-onde, une plaque, un double évier eau douce eau de mer).

Et au final, je me régalerai tout le week end.
On mettra les voiles 10 mn, juste pour se rendre compte que c’est sans aucun doute le point le plus perfectible de ce bateau. C’est simple, l’accastillage est nul. La GV fonctionne avec le système de corne Incidence, et franchement, ce n’est pas convaincant. On s’y reprendra à deux fois, sans jamais obtenir une belle forme. Evidement, ¼ d’heure pour envoyer les 60m² de la GV, drisse moufflée sur winch électrique. Les tensions sont énormes tant ca frotte partout. J’essaie de dérouler le génois, mais même avec l’écoute sur le winch électrique, cela coince. C’est l’enrouleur lui-même qui est quasi bloqué. C’est dire comme il doit servir souvent.

Et de toute façon, dans les 5 nds de vent, rien à espérer. Bon, clairement, ce n’est pas un bateau pour affronter les éléments. Je n’ose pas imaginer être pris avec dans une vraie baston, comme je ne vois pas bien comment naviguer réellement à la voile avec l’accastillage disponible.

C’est un bateau manifestement fait pour naviguer au moteur. Et c’est comme cela que je m’éclaterais, alternant le carré avec ses vitres façon passerelle et le fly en plein vent. Et de toute façon, malgré mes efforts, il faudra bien 6 heures de moteur ou de générateur chaque jour pour maintenir les batteries.

Au final, on est vraiment bien à bord. Cela ne ressemble à rien à ce que je connaissais depuis 30 ans, On glande confortablement.

Et l’on finit par se dire que la première chose à faire, c’est de démonter mat et voiles, qui font du bruit, du tangage et servent si mal.

Et c’est comme cela que je me suis découvert une nouvelle passion : capitaine d’un petit cargo de croisière.

Jacques

L'équipage
04 mai 2015
04 mai 2015

Si j'en crois mon instinct et ton récit, dans quelques années l'argument des loueurs sera : louer tranquille; on a supprimé le mat et les voiles !

04 mai 2015

Ça fait un moment que ça existe...
Mais, avec ou sans mât, pas pour moi !

04 mai 2015

le gréement c'est pour permettre à des locataires de louer sans permis, je présume

04 mai 201504 mai 2015

C'est évidement l'explication à laquelle on pense, mais je trouve que c'est bien court.

Je ne crois pas que cela soit un truc génant pour le gars qui a le budget pour louer ou acheter un truc pareil. Je suis convaincu que la quasi totalité des gars qui louent ce genre de bateau font appel à un skipper. Normal, ils ne sont pas là pour s'emmerder, et le budget du skipper sera anodin par rapport au coût de l'histoire.

Je pense que c'est un argument, mais certainement pas déterminant. A mon avis, le mat est là pour marquer son appartenance à la communauté des voileux, même s'il ne sert qu'à cela.

Jacques

04 mai 2015

pour le look donc, ce que tu dis sur la manipulation de la GV est plus qu'inqiétant, y avait il un manque d'entretien, graissage ou autre ?

04 mai 2015

bjr,
déjà que je n'aime pas trop les multicoques ,alors naviguer sur un ponton même luxeus je préfère regarder pernoud
qui nous parle de la mer qu'il n'a pas vue depuis longtemps
jacques je te trouves trop jeune pour ça ,garde erendil
alain

04 mai 2015

je trouve ça plutot sympa pour qq jours avec des enfants et des amis , confort , place et on est tj sur la mer . C est le but de se style de bateau

04 mai 2015

oui c'est comme un bâtiment disgracieux dans un joli quartier

04 mai 201504 mai 2015

Jacques, tous les bateaux m’intéressent, c'est sur. dans la passé j'ai convoyé un catfisher 28 de Marseille à Alexandrie à noël
sympa de diner dans la timonerie avec l'autopilot qui gere, le ronron du mercedes de 40 chevaux etc
j'ai aussi skippé une guy couach de 12,40, c'était sympa aussi.
c'est bien de changer d'univers de temps à autre !

sinon mon fils a navigué sur un Neel 45 récemment, il ne m 'a rien dit sur l'accastillage, ça marchait mais un tri c'est plus facile à organiser qu'un cata

04 mai 2015

c'est un mauvais bateau qui était hyper cher, lent, une balançoire incroyable avec les coques en forme de fisher monocoque. une absurdité.
j'étais bien payé avec un copain, je n'ai navigué sur des catas que payé pour le faire !

04 mai 2015

Ce qui est super, c'est que quand tu est à bord tu ne le vois pas !
:acheval: :acheval: :acheval:

04 mai 2015

Ce que j'ai aimé, c'est piloter mon petit cargo. J'ai apprécié le confort, mais ce n'était pas l'essentiel. Ce qui me plaisait, c'était balader à bord, monter au fly, redescendre dans le carré, profiter de cet espace.

Pour ce qui est de l'esthétique, ce n'est pas le plus beau ni le plus discret, mais dans ce coin, il y avait quand même pas mal d'engins assez détonnant. On était à l'Escalet, et on entendait le boom boom d'une après midi techno qui se tenait à la plage de tahiti, l'autre coté de pampelonne, et il y avait une bonne vingtaine de yachts de tailles diverses amarés devant.

Alain, je te rassure. Erendil me va trés bien. Et même plus vieux, je n'aurais pas le budget pour m'acheter une seule poulie de ce truc. Ce que je voulais exprimer, c'est que je n'imaginais pas me plaire sur un tel engin. Préjugé.

Jean, je n'ai pas cherché à savoir ce qui faisait que cela marchait si mal. Probablement un peut tout. Les bouts étaient tellements raides qu'il fallait pratiquement une plieuse pour les lover. Les poulies ne me semblaient pas énormes en comparaison de l'accastillage d'Erendil, 10 fois plus léger et seulement deux fois moins toilé. Les cheminements des bouts étaient souvent bien tortueux (en particulier, fallait voir le chemin de la bosse d'enrouleur, qui arrive sur le fly après avoir fait le tour du bateau). Tout est monstrueux en terme d'effort, mais je n'ai pas vu beaucoup de billes. Je pense simplement que ce n'est pas sur le plan de pont que l'attention de l'équipe de conception s'est focalisée. Faut dire qu'ils devaient avoir de quoi faire pour loger tous les équipements de confort, dessal et autres pompes pour le moindre chiotte (et il y en a quatre).

L'accastillage est à chier, mais par contre, tu as dans tous les coins du bateau une console pour régler la clim.

Beaucoup de choses ne marchaient pas (le dessal, la clim, la jauge à eau, le compteur de chaine...) et je suis prêt à parier que c'est simplement que personne à l'agence n'y comprenait quelque chose.

J'ai eu la réflexion qu'il fallait maintenant pour ces bateaux le même système de maintenance que pour les Audi, Bmw ou autre Mercedes : un réseau de bases dédiées, avec les pièces détachées nécessaires et la compétence de techniciens formés par la marque.

Jacques

04 mai 2015

Un Catfisher, j'en ai vu en Floride; je trouve que c'est un look de dessins animés et si en plus ça navigue; ça à l'air sympa pour une famille.

04 mai 2015

@ Erendill : bienvenue au club des ..."trawlers" :jelaferme: :lavache: :oups: :langue2:

04 mai 2015

c est ça , un trawler a voile , why not , pas beau ?coté monocoque a part qq mono croisière ou de course ou vieux gréement , la majorité c est franchement pas terrible a regarder

04 mai 2015

Les chambres sont plus petites, mais la piscine est immense, le solarium idéalement orienté, et la déco soignée. Pas sur que ce soit beaucoup plus cher que de louer une villa avec piscine dans le même coin. Surtout si on peut s'entasser à deux familles.

Si en plus, il n'y a même plus à s'embêter avec des voiles. Ca nous promet des mouillages beaux comme des campings remplis de mobile-homes.

04 mai 2015

Il y a quelques années nous avions loué à Hyères un Lagoon 44.

4 adultes, 4 enfants, on ne se piétinait pas.

Plan à 4 cabines doubles avec 4 toilettes.

A la voile un ponton, aussi vivant que la momie de Ramsès 2.

Et finalement c'est vrai, plaisant au moteur !

04 mai 2015

En tout cas, sur STW vous trouverez pléthores de gars qui font de TDM avec ça, et pas qu'au moteur ... C'est mon projet en tout cas et je le partage avec moi même

04 mai 201504 mai 2015

Mais Phil, aucun problème avec ça. J'ai bien croisé en Corse un gars qui l'a fait avec un bateau de 6 m en toile de jute.

Par contre, faire le tour du monde avec un bateau qui nécessite au minimum 6 h de moteur chaque jour pour maintenir les batteries me semble bien lourd.

Je pense qu'il faut l'optimiser pour en faire un bateau de voyage. Sinon, tout va rapidement se déglinguer, et je n'imagine pas où tu trouveras, dans un tour du monde, les bases pour faire la maintenance.

Cela manque vraiment de solutions de repli quand le truc prévu pour ne marche pas. Il n'y a rien à bricoler. Ca ne marche pas, c'est tout. Et si cela concerne la distribution d'eau douce (problème du dimanche aprèm), tu es bien emmerdé. Nous, on s'en foutait, on rendait le bateau à la fin de la journée. Mais si tu as encore quinze jours de nav, ou pire, tu es dans le mouillage paradisiaque, c'est un peu bloquant.

Et pour la nav, tu es trés loin, malgré le budget, d'un truc fonctionnel.

Tu vois, par exemple, il n'y avait dans le modèle loué aucun répétiteur dans les cabines. Cela me semble pourtant indispensable de mettre au moins dans la cabine du skipper/proprio un répétiteur pour surveiller le vent, la profondeur au mouillage, la vitesse en nav. D'autant que tu dois faire pas loin de 10 m pour aller de la couchette arrière à la table à carte.

Pareil, pas de répétiteur GPS dans le carré, avec pourtant un emplacement prévu pour un coin nav sérieux. Le GPS et son écran géant raymarine est sur le fly. Perso, j'en aurais mis deux, un en bas, un en haut, et dans ce cas, pas la peine que celui du fly soit si grand.

Et surtout, je repenserais un bon coup tout l'accastillage, pour en faire un bateau qui marche. Sur Erendil, tu prends un bout, tu tires, ca vient. Pas nécessaire de taper dessus à coup de pied. Ca, c'est sans aucun doute facile à résoudre. Un peu moins de winchs électriques, toujours à cause de la maintenance et de la conso, et un peu plus de poulies de qualité.

Je pense même que ce bateau serai trés agréable dans de long bords de portant dans 15 ou 20 nds de vent.

Jacques

04 mai 2015

Oui, pour un TDM je pense que tu ne peux pas couper à tes deux ou 3 mois de refit.
ne serais-ce que contrôler le débit de l'élec, le gréément, simplifier des trucs, rendre plus robustes d'autres.

En tout cas tu sembles y avoir pris un plaisir coupable ;)

Cap Horn, Chili

Phare du monde

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2022