par Patrick J 

Musard 29 

Le cahier des charges

Pour remplacer mon EDEL 660 DL de 1982, qui a été tracté et utilisé en croisière côtière en famille (2 adultes avec 2 enfants) pendant 15 ans chaque été, j’ai longtemps cherché un bateau d'occasion, grand et transportable, permettant d’aller un peu plus loin qu’avec l’EDEL. L'offre standard s'arrêtait à environ 8m x 2,55m.

Je souhaitais la même largeur mais avec 1 mètre de plus en longueur, être debout dedans, et plus d'éléments de confort que l’EDEL.

Un grand transportable engendre aussi quelques paradoxes: 

Il faut un ensemble tracté pas trop lourd, mais on veut un grand bateau. 

Il ne faut pas être trop haut sur la remorque, mais on veut quand même être debout dedans.

A chaque mètre de plus dans les ports on change de catégorie de prix, mais on veut du confort et de l'espace sans trop dépenser.

Il faut réduire la hauteur du mat sans perdre de puissance et rendre le matage autonome.

On veut pouvoir se poser de temps en temps sur le sable sans avoir à utiliser de béquilles.


Ses caractéristiques

C’est un voilier réellement transportable sans convoi exceptionnel, de 8,80m x 2,55m. 1700 kg à vide sur une remorque de 750 kg.

Son étrave est large comme sur le MUSARD d'origine (Musard 25), et en 2012 les vidéos du Magnum de David Raison commencent à influencer nombre de voileux. Depuis, l’augmentation notoire de la largeur des étraves des Mini 650 conforte ce choix.

2 mats autoportés rotatifs en carbone et manchonnés pour le transport 

Faible tirant d'eau (0,8m) pour limiter la hauteur sur remorque

Quille longue + 2 dérives fixes pour se poser sur le sable sans béquilles

Surface misaine : 13,4m² bômée, Surface GV : 20,1m² bômée, Spi complémentaire: asymétrique de 40m² encore en test sur bout dehors 2,50m. 

Toilettes, frigo/congel, réchauds, évier, lavabo, coffre à vélos, rangements sous couchettes, etc…

La genèse

2010, le vrai point de départ : achat de la voiture pour tracter !

Septembre 2012, signature du contrat d’architecture navale IFAN avec François Rougier de SABROSA RAIN (14). 

Mai 2013, après un nombre incalculable d’échanges de fichiers 3D, les plans sont livrés. Le STIX est en limite haute de la catégorie C, le plan permettrait même une homologation en catégorie B.

Le bonus : François va jusqu’à simuler numériquement le passage de l’étrave dans la houle pour un cas défavorable  (http://www.sabrosa-rain.com/fr/projects/2012-musard-29).

Mai à septembre 2013, fabrication d’une maquette grossière au 10ème, avec sa remorque. Maquette qui s’avèrera très utile pour la suite.

Juillet 2013, signature du contrat de fabrication de la coque pontée quillée (Etabli Marin, La Tremblade, 17)

http://www.etablimarin-chantiernaval.com/musard-29.php

Octobre 2013, démarrage de la construction de la coque CP Epoxy

Fin décembre 2013, récupération du voile de quille aluminium fabriqué chez Digne et Françoise (14) 

Janvier 2014, chargement de 500 kg de plomb chez Navy Lest International (42) et récupération de la remorque fabriquée sur mesure d’après la maquette (CBS, Ardèche)

Janvier 2014, livraison des pièces en inox et aluminium des safrans fabriqués chez SDI à Marans (17)

Janvier 2014, conception et maquette bois à l’échelle 1 du davier spécial avec taquet intégré et blocage de chaîne, plan 3D Google Sketchup pour SDI. 

Février 2014, découpe des lingots pour mise en place du lest plomb dans la quille et fonte complémentaire pour calage. 

Mai 2014, fabrication des flasques d’enroulement des mâts et des embases

Avril 2014, 1 semaine au chantier pour bricoler sur place et implanter les embases dans les tubes de jaumière des mâts (ramenés au chantier)

Avril 2014, achat de tubes carbone industriels chez Epsilon Composite (33) pour les bômes et le bout dehors

Mai 2014, achat du moteur HB Mercury 9,9 CV big foot (arbre long avec hélice adaptée au voilier) avec génératrice. 

Juin 2014, finalisation de la quille : moussage époxy pour blocage définitif, fermeture des regards, antifouling

Juillet 2014, la quille est amenée au chantier, la coque partiellement finie est ramenée en Alsace pour 2 mois de travaux intensifs, principalement à l'intérieur de la coque (découpe des panneaux horizontaux, test de la maquette du davier, fabrication des cales pieds, etc…)

Septembre 2014 retour de la coque au chantier, et récupération des 4 tubes de mâts carbone fabriqués chez Pro-Fil Composite, Ile de Ré. 

Octobre 2014 finalisation des mâts. Ponçage, renfort, laquage polyuréthane, montage taquets et cadènes

Fin novembre 2014, AR au chantier pour récupération finale de la coque et retour en Alsace pour l'hivernage. 

Le premier semestre 2015 est consacré à l'aménagement et à l'accastillage. Pas de winch pour l’instant…

Mi-juillet 2015, francisation

Fin juillet 2015, La Grande Motte (34) parce que les voiles sont livrées sur place par DELTA VOILES Mauguio, baptême et mise à l’eau. Première navigation avec un bateau « un peu nu ».

Détails :

L'idée du carbone pour les mâts a germé lorsqu'on m’a dit que ce type de gréement n'était pas plus cher qu'un mât alu avec ses haubans en inox et l’accastillage complémentaire pour les 2 voiles. Je voulais être autonome pour mâter, il fallait donc chiffrer cette option « 2 mâts carbone ».

La limite de poids pour la manipulation d’un mât est considérée à environ 40kg. Sur une coque avec un seul mât, ce dernier devenait de ce fait beaucoup plus long, et je revenais aux problèmes d’antan (longueur, poids, éventuellement haubans, enrouleur, etc...) 

Avec 2 mâts, on peut conserver les m² de toile en abaissant la hauteur et donc le centre vélique. Chaque partie est plus courte et plus légère. 


Le problème étant principalement lié à la manipulation d’un tube de grande longueur, nous avons payé les premiers matages au port. Question épineuse car les tarifs habituels ne tiennent pas compte du type de mât. Dans notre cas, après une préparation au sol des 2 mâts, il faut réellement environ 2x5 minutes pour les soulever et les insérer dans leurs tubes respectifs jusqu’à mettre l'axe de rotation inox dans les roulements à billes situés au fond du tube de jaumière. Il a toujours été difficile de négocier le prix du grutage, j’ai donc résolu ce point en me rendant rapidement autonome. J’ai fabriqué une potence, qu’il reste encore à peaufiner un peu techniquement. Actuellement j'ai besoin de 2 élingues, d'un treuil (ou d’une grue), et de 2 tréteaux pour préparer chaque mât.


Avec ce type de gréement, la coque est beaucoup moins sollicitée puisqu'il n'y a pas d'effort de compression des mâts. Pour conserver une certaine raideur, et donc de la puissance, nous sommes partis sur un gros diamètre (à peu près 170mm en bas, et 120mm en haut). 

Même si j'augmente chaque mât du poids des manchons, je voulais pouvoir les transporter et les manipuler facilement. Ça donne 26kg (tronçon bas) + 12kg (tronçon haut) pour la misaine de 9m, et 29kg + 14kg pour le grand mât de 11m. Les tubes « lourds » sont transportés sanglés sur la remorque, les tubes légers sont sanglés le long du roof. A l’arrêt sur la route, le bateau reste accessible. Point important, aucun tube ne dépasse de la remorque. 

Bonus : j'ai fermé le haut et le bas de chaque mât. Ils sont étanches, et pourraient peut-être même entrer dans un calcul de stabilité (presque 280 litres d’air au-dessus du pont!).


Pour les voiles, je voulais pouvoir les enlever lorsque je ne navigue pas. Elles sont toujours mieux bien roulées, au sec, à la maison. Dans ce cas le zip s’impose. Initialement je voulais un fourreau long pour optimiser la forme en goutte d'eau, ce qui n'a pas été retenu finalement. D'après l'architecte, le gain n'est pas significatif par rapport à un fourreau. Depuis, cela s’est vérifié. Et le fourreau court permet de mieux rouler la voile autour du mât lors de la réduction de voilure


Les tubes des bômes et du bout dehors sont des tubes carbone industriels bruts d’environ 80mm de diamètre. 3,50 m pour la misaine et 4,50 m pour la GV. Les fourches des bômes sont de conception personnelle en sandwich bois/fibre de verre avec une essence de bois Moabi à l'extérieur et de CP tout okoumé 10mm au milieu. Chaque fourche est bloquée mécaniquement dans le tube puis collée à la résine époxy. L’étanchéité de chaque tube est assurée avec de la résine époxy moussante. Un bout noué entre chaque extrémité de la fourche enserre le mât et réparti l’effort de compression sur toute la surface utile, soit presque 50% du diamètre. Au niveau du mât, quelques tours de fibre de verre servent de renfort et de martyr. 


Concernant le choix de la quille longue et des 2 dérives, il s’est porté sur une quille longue, comme celle de l’EDEL DL, en connaissance de cause. Avec la stabilité de forme dûe au volume à l'avant, on peut limiter la hauteur de la quille. L'architecte m'a proposé des dérives sabre mobiles. Comme je ne voulais plus de partie mobile, on est parti sur des dérives fixes et relativement rentrées à cause du passage de roue de la remorque.

Les performances

Un bateau de 1700 kg au final, dont 500 kg de quille, bien toilé, 80 kg pour les 2 mâts et qui marche bien. Avec un poids total maximal autour de 2700 kg, lorsque le vent est au rendez-vous, la vitesse peut dépasser rapidement les 7 nœuds. La vitesse de pointe mesurée pour l’instant est de 12,5 nœuds. Malgré de nombreuses heures de pétole, le GPS affiche une vitesse moyenne de 6,6 nœuds.

La forme de carène symétrique dûe à la largeur à l’avant apporte une stabilité étonnante pour une largeur de 2,55m. Le brion est assez haut sur l'eau. Avec 10° de gîte on est calé sur le bouchain. 

Avec les bômes on arrive à donner un bon profil aux voiles, et même avec des pantoires pour chaque écoute, les hale-bas ne sont pas souvent sortis. Avec des pantoires, virer de bord se résume à pousser et ramener la barre franche, ou éventuellement à appuyer sur la télécommande du pilote… 

L'enroulement des voiles sur les mâts se fait par rotation des mâts. En tirant simplement sur un bout actionné depuis le cockpit. Par vent fort le winch peut aider. 

Les safrans étant compensés, la barre se tient à un doigt. Le pilote automatique reste de ce fait très économe en énergie.

Confort à bord : 

La philosophie est de ne pas laisser d’électronique à bord en hiver.

Frigo/congel escamotable WEACO de 38L, Peltier 12V/ compresseur 230V. Evier, 2 réchauds Camping Gaz de 2000W chacun utilisés à l'extérieur dès que possible. 

Couchage : grande couchette double à l'avant, 2 très grandes couchettes cercueil à l'arrière avec solution "anti-claustrophobe". Couchette double dans le carré en modifiant la hauteur de la table. 

Une penderie, meubles de rangements, et coin « navigation » au centre. 

Coin toilettes (sèches) avec lavabo et penderie à cirés

Un coffre à vélos sous la descente, un coffre « salé » au centre du cockpit.

Bilan

Cette forme d’étrave ne plaira certainement pas à tous, c'est bien logique. Ça bouscule beaucoup d'habitudes d'un seul coup. Il manque des hublots et la décoration de la coque reste à faire. Moi-même j'ai mis du temps à m'y faire, plus d'ailleurs parce qu'avec le CP Epoxy on est pas sur des formes très arrondies que par la largeur elle-même. 

Toutefois il faut que je précise quand même que les photos prises de l'avant par le bas donnent une impression d'étrave plus large et massive que nature. Mais on est loin des dimensions des mini et des rêvolutions.

Le Musard a une étrave de seulement 1m de large... Pour un bau de 2,54m. 


J'ai commandé une coque finie extérieurement, quillée mais non accastillée, avec à l'intérieur toutes les cloisons structurelles, … mais rien de plus. 

Pour un budget final estimé entre 50 et 60 000 € avec la remorque, si tant est que l’on veuille avoir quelques d'idées, du temps et d'huile de coude pour étudier et assembler le puzzle.


Le bateau a navigué depuis 4 années maintenant, en Méditerranée et en Atlantique. Entre les navigations le chantier continue, le bateau est en perpétuelle adaptation:

Un spi asymétrique de 40m² est testé depuis 2 ans, porté en complément des 2 autres voiles. La seule contrainte d'utilisation est d'avoir fixé la bastaque volante avant d’envoyer le spi. Conclusion : le spi qui sera commandé sera certainement un code D ou un équivalent, sur emmagasineur, et de surface légèrement réduite. Et selon le résultat final, le bout dehors restera orientable, ou non.

Les têtières rotatives des mâts ont été complètement modifiées en 2018. Elles sont toujours en rotation libre autour de la tige en carbone verticale solidaire du mât, et restent dans l’axe de la bôme grâce à la balancine. Depuis cette année elles disposent d’un disque en téflon pour réduire le frottement. 


Les projets encore dans les cartons :

Finaliser le circuit électrique

Continuer la peinture aqueuse intérieure

Fabriquer un petit portique arrière démontable pour le réflecteur radar, la girouette anémomètre électronique, l’antenne VHF, un panneau solaire et les pavillons.

Rajouter les hublots du carré

Faire une déco « smart »

Etudier un système amovible de débordement de l’ancre

Etc… etc…


https://youtu.be/IQEdP6geyd4
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