par lolapo

Transat, construction amateur 2/2

La traversée

Cap vert    -    Mindelo    20 janvier 2019

D'après '' Navionics '' le cap pour saint Martin ( FWI) est 271° , distance  : 2180 m. Juste pour clarifier  : Mindelo est 25°W , Saint Martin oû j'avais prévu d'aller , mais sans obligation , est situé à  longitude 63° W. La bonne raison d'aller Nord est que je compte passer la saison des cyclones à Grenade puis Trinidad pour caréner et vais visiter les antilles en allant au Sud quand il y aura moins de monde aux mouillages.

La courte traversée de Sal à Mindelo m'avait déjà indiqué que la houle secteur Nord rendrait le cap plein W pas très confortable et qu'un moyen de tangonner indispensable sinon le foc à force de déventer pourrait entraîner des dégâts matériels .Vers 11 h , c'est parti pour 2 semaines de fun avec les surfs que j'attendais depuis des années ( pas sûr pour surfer car j'ai toujours une tripale et le canote est bien chargé !).

Pas mal de départs ce jour car ''windy '' nous avait promis des vents plus calmes que la semaine passée. Arrivé avec 30 nds , le départ sera à la même sauce  : 30 nds .Ca va , c'est portant et bien sûr qu'il y a un gros dévent avec les sommets de San Antao et ce n'est que le soir que l'on touche des vents à peu près constants.Il y a une belle lune et c'est avec le sourire que je suis en mer car je me sens bien préparé et que je vais me faire plaisir. Les jours suivants ne sont pas vraiment heureux avec des vents variables entre 10 et 25 nds, une houle d'environ 3 m et une alternance d'orages et de ciel bleu. Oû sont donc les alizés légendaires???

3 éme jour, avant la nuit, un comportement anormal à bord me fait sortir : qu'est ce qu'il  se passe car on part en vrac. Un coup d'oeil me renseigne vite fait avec un gros coup au cœur,  la méga tuile  : Le régulateur d'allure est en travers et l'aiguillot inox fabriqué à Las palmas est cassé à la soudure !.  Je le ramène avec difficultés car il y a de la mer et du vent et le cache dans le grand coffre arrière. Je ne veux plus le voir  !!!. Je m'habille pour les conditions et barre, complètement anéanti devant l'horreur des  prochains jours : un océan à traverser, seul, trop seul pour cette tâche. A la barre, bien sûr que je ressasse plein de pensées plutôt négatives mais j'ai de l'eau et des vivres et surtout pas 36 choix : il faut y arriver et ce challenge, je suis obligé d'y parvenir coûte que coûte. Les barres sont bloquées par un bout de teck perçés de multiples trous ( pilotenteck), un Tmt est gréé sur l'étai de trinquette bordé plat, faisant office de '' dérive aérienne'', orienté selon le cap à ''essayer'' de suivre. GV 3 ris. Ca marche à peu prés avec une petite vitesse ( moins de 4 nds ) et je peux me reposer car cap W.

Vers le 6eme jour, le vent faiblit et varie entre W , SW et NW moins de 5 nds, pas top !. Les nuits,  je laisse dériver dans la pétole. Les étoiles se réflètent sur l'eau et j'affale tout car les houles sont bien là, massacrant le matos. Le jour, la mer est super belle, bleu indigo. Les éclairs dorés des daurades sautant hors de l'eau pour attraper un poisson volant sont un vrai spectacle. Je passe pas mal des temps à la barre pour avancer et ma peau commence à bien cramer. Se couvrir de paréos est assez étouffant. Apparamment cette météo pas sympa est une onde d' Est, une de celles qui se transforment en cyclone en période chaude.

Vers le 9éme jour, il me semble m'être sorti de cette  zone de malheur et avance doucement à 2-3 nds quand je sens un remous à l'étrave. Là , je vois une masse que je prends pour un énorme filet flottant. Je suis dessus et quand je vois la queue balaise s'agiter, je comprends : le gros truc c'est une baleine endormie !!. Elle s'agite et plonge en lâchant une méga bouse de mécontentement. Bye bye, tout va bien mais suis un peu choqué en repensant à Steve Callaghan coulé avec son mini par une grosse bête. Je vérifie les coffres à l'avant. Tout est OK. A cause de ces foutus calmes j'ai dû chopper des anatifes qui vont grossir. Je ne barre pas mais suis toujours aux aguets d'un changement de cap, d'un réglage de voiles, enlever un cran au pilotenteck que je note sur le livre de bord pour ne pas trop chercher le meilleur ajustement par rapport au cap à l'ouest.

Le 10 eme jour des grains sauvages grimpent à 35 nds et il faut affaler la GV en tenue de scaphandrier et s'enfermer car avec la petite vitesse quelques vagues grimpent à bord. Maintenant que le 42 ° W est franchi le vent est bien plus constant Est. Dans ces conditions de vent arrière je tangonne avec un foc reduit. Si trop de toile, trop de zigzags et là je ne contrôle pas grand chose. Pour garder le moral vu la durée probable de la traversée ( 1 mois ) j'ai tracé au stylo bille sur le routier les longitudes tous les 5°. Ils marquent un progrès, une étape vers la destination finale. Un voilier sous spi me passe le 15 eme jour à environ 3 milles. Leur cap est vers l'amérique du Sud. Le 50° W est franchi le 18 eme jour . Youpi  !!! Jusque là , il y a eu pas mal de lignes de grains et à chaque fois la mer devient assez grosse et c'est assez inconfortable à cause d'une voilure vraiment réduite. Je pense au tonneau rouge à la dérive et à ceux qui naviguent sur des petits voiliers ; c'est pas vraiment la fête pour eux. Une jolie baleine de 7-8 m m'accompagne pendant une vingtaine de minutes. Les vidéos sont ratées car pas bien visé avec la tablette. C'est plutôt le plat bord qui apparaît ! Sans compas , il suffit de suivre les longues files de sargasses et on est à peu prés sûr d'arriver aux Antilles. Pas de pêche car ces algues accrochent le leurre et comme je n'ai pas envie de tuer un poisson juste pour moi seul ça tombe bien. Le matériel attendra 55° W est passé le 21 ème jour. Repos car j'ai vraiment mal à un genoux à force de manoeuvrer.

Le 24 eme jour, je laisse Antigua à tribord et entre dans le chenal de Saint Barthelemy pour naviguer enfin avec beaucoup moins de houle car les profondeurs sont moindres. Bien vissé à la barre, je ne lâche pas le morceau et la lutte ne s'arrêtera que lorsque l'ancre s’enfouira dans le sable. Beaucoup de voiliers au mouillage à St Barth que je rase et décide de continuer jusqu'à Great Bay à Saint Maarten. Le vent forcit passant plutôt SE avec grains. Il fait nuit, la GV est affalée devant la baie, je ne vois rien avec les rafales et la pluie. Le moteur cale quand je monte les tours. La lutte continue …Avec le foc je rejoins Simpson Bay et l'ancre est dans le sable. Le mouillage est bien encombré, ça roule d'enfer mais j'ai la bière de l'arrivée à la main. J'ai réussi et les yeux me piquent.

Petite suite...Il me semble que la pompinette qui amorce le fuel au moteur est défectueuse et décide d'aller chez les ships en acheter une neuve. Je hisse l'annexe sur la plage et pars moins de 2 heures sur des jambes vacillantes. A mon retour l'annexe est pleine de sable et je le verrais plus tard une dame de nage est cassée , vu le vent  actuel, ça peut être dangereux. Sales gamins,ça commence bien  !Après de nombreux tests,  je m'aperçois que le tube plongeur du réservoir est partiellement bouché par un bout de joint silicone. Réparation effectuée avec la houle qui entre dans la baie et l'horrible clapot des annexes des méga-yachts lancés à pleine vitesse. Le lendemain, j'entre dans le lagon dans 2 m d'eau. Je ne bouge plus, le voyage est terminé et je suis bien fatigué. La '' Heineken regatta  '' est pour bientôt et de magnifiques voiliers sont sur les eaux turquoises. Beau spectacle. Et encore …Certains navigateurs vont des îles du Cap vert à la Barbade pour écourter le temps de la traversée et aussi pour être sûr d'avoir les alizés. Personnellement, j'étais dubitatif car on allonge la route. Pour aller en Amérique du Sud, la question ne se pose pas.

Les appros sont plus faciles et moins chers à Las Palmas sans parler de l'accessibilité de l'eau douce . Confort  : si on pars des Canaries, la houle est plutôt 3\4 arrière. Du Cap vert, on l'a sur le coté. Grosse différence quand il faut manoeuvrer et cuisiner. Les alizés : je ne les ai touchés que vers le 42° W et hormis les calmes, le vent était 20-35 nds. Avec les grains, la mer devient vite grosse à pas loin de 4 m de creux.

Quelques exemples : Un voilier parti 2 semaines après moi a eu bien des misères avec la météo pendant les 6 premiers jours. Un 15 m en bois classique bien chargé a mis 19 jours de Las palmas à la Barbade. Un cata moderne de 13 m en famille à mis 19 jours Las palmas – Sainte lucie . Les voiliers de l'ARC partis le 25 novembre ont suivi une route directe vers Sainte lucie .

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