Energie en voyage au long cours


Non, les SDF océaniques ne sont pas obligés d'épouser une doctrine écolo, et d'ailleurs nos coques de noix n'ont rien de naturel. On choisit la voile au départ parce que cela ne fait pas de bruit et ne coûte rien en carburant, puis on s'interroge sur les ressources énergétiques gratuites qui nous environnent.

En notre époque d'inquiétude sur l'avenir à moyen terme de la civilisation du pétrole, et sachant à quel point les hydrocarbures participent aux grands doutes écologiques du siècle, il y a quelque chose de très plaisant à se déplacer grâce à l'énergie éolienne, un sentiment qui fait partie de l'attrait du voyage en voilier. Les jours sans vent ni soleil hélas, on ne peut que constater et que la propulsion sans hydrocarbures n'est pas encore tout à fait à l'ordre du jour, et que notre équipement électrique nous asservit au pétrole.

En dehors de la propulsion, et pour peu qu'on laisse à terre une part de nos habitudes en matière de consommation d'électricité, on arrive au final à se passer des hydrocarbures, sans accrocher la fée électricité au pilori, sans se priver des avantages irréfutables de cette énergie sur les autres. Néanmoins à partir d'un certain niveau d'équipement, le groupe électrogène offre encore aujourd'hui le meilleur rapport coût/ampère, tant que le gasoil reste bon marché.

Notre indépendance énergétique s'obtient par un jeu d'équilibre entre un certain nombre de batteries et les moyens d'en maintenir la charge, proportionnels aux consommateurs d'électricité embarqués. Le sujet peut devenir obsessionnel jusqu'à ce qu'on le maîtrise un peu, mais je ne connais personne qui ait souffert d'une amélioration de ses connaissances dans le domaine.
L'optimisation de l'installation électrique d'un bateau n'est pas obligatoire, elle permet seulement de limiter les pannes, de réduire le coût de l'installation lié au suréquipement et d'éviter les incendies à bord.
Tout cela est très bien expliqué dans des ouvrages spécialisés, mais je vous propose d'aborder point par point les éléments constituant l'installation électrique de Horus, et les remarques qu'elle suggère.
1 Batteries
2 alternateur
3 répartiteur de charge
4 autres générateurs
5 chargeur de quai
6 composants divers

-1) Les batteries; deux batteries de 120A forment le “parc servitude“, et une autre de 70A est dédiée uniquement au démarrage du moteur. (Il faut ne faut pas dépasser la puissance tolérée par le démarreur sous peine de détérioration prématurée).
La batterie moteur ne servant qu'au démarrage, elle est rechargée en quelques minutes après le démarrage du moteur, et ne nécessite pas d'autre moyen de charge. J'y ai connecté une alarme de surcharge, car “l'alternateur peut continuer de la remplir même si elle est pleine“, sa régulation étant faite par les batteries servitudes. On peut couper la charge si nécessaire, grâce à ses propres coupe batteries. C'est une batterie spécifique pour le démarrage, conçue pour délivrer beaucoup de puissance sur une courte période.
J'ai déplacé le parc servitude au centre du bateau, sous la table de carré, avec aération par le cabinet de toilette. Endroit sec, bien ventilé, frais, et centrage des poids, difficile de trouver meilleure place. Il a fallu concevoir le circuit de charge en conséquence, avec des câbles en 35mm² courant sous les planchers, mais cela a diminué la distance entre batteries et guindeau et permis de supprimer dix mètres de 45mm².
Nos batteries étaient de type plomb-calcium, semi étanches. Ces batteries (Freedom) supportent très mal la chaleur et se dégradent très vite en milieu tropical. Nous avons opté pour des batteries dites “deep cycle“. Nous avons découvert à notre arrivée en Nouvelle Zélande que ces batteries spécifiques y sont très communes, probablement grâce aux habitudes de plaisance et de camping de ce pays.. L'inconvénient de ces batteries de type classiques, dont l'étanchéité n'est hélas pas celle qu'on peut attendre pour une application dite “spécifique marine“, est qu'elles doivent être bien ventilées pour évacuer d'éventuelles émanations d'hydrogène, très explosif, et de vapeurs corrosives. Les batteries plomb calcium en dégagent si peu qu'on en voit installées sous des couchettes, mais ce n'est pas vraiment recommandable, ne serait ce que parce qu'on ne peut pas les remplacer par des batteries classiques à cet endroit. Pour revenir sur les possibilités offertes par les batteries spécifiquement conçues pour la servitude, dites de “cycle long“, elles ont la caractéristique de pouvoir être déchargées sans dommage à 50% de leur capacité, contre 30% aux batteries classiques. Faites le calcul, deux batteries de 100Ah vous donnent autant d'autonomie que trois “freedom“ de105Ah. Gain de poids et économies d'argent, sans aucun doute.
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En cas de préparation de fond ou de construction d'un bateau neuf, il faut essayer de ramener les batteries au centre du bateau et au dessus des planchers en cas d'entrée d'eau,
Les batteries de très grand ampérage, qu'on achète par éléments de 2 volts, n'ont pas l'air de convenir au long cours. Il suffit qu'un élément défaille pour mettre en panne toute une installation, et on n'en trouve pas partout dans le monde. Ces batteries sont adaptées à des installations très technologiques, très coûteuses, difficiles à adapter à d'anciennes installations, donc à envisager plutôt dans le cadre d'une construction ou refonte totale du bateau.
Attention au fait que le système de charge et d'entretien doit être adapté à chaque type de batteries, surtout en ce qui concerne la tension maximum de charge et que certaines batteries sont difficilement remplaçables dans certaines contrées.
A noter au registre des défauts des bateaux de série, l'installation des batteries dans le compartiment moteur. Une batterie dans un environnement à 60°C ne peut physiquement pas être rechargée en totalité. Ne comptez pas sur votre moteur pour le faire.

-2) L'alternateur sur Horus est un modèle isolé standard de 70 Ah est entraîné par le moteur, comme sur n'importe quel moteur. Il distribue le courant aux deux parcs de batteries par l'intermédiaire d'un répartiteur de charge dont je reparlerais plus loin. Un alternateur “dose“ sa production de courrant proportionnellement au niveau de charge des batteries (qu'il détermine par leur tension). Pour que cet alternateur délivre le maximum de courant, son excitation provient du parc servitude, qui a normalement besoin d'être rechargé plus que la batterie moteur. J'ai simplifié à l'extrême en alimentant non seulement l'excitation de mon alternateur, mais tout le tableau de contrôle moteur par le parc servitude. Un circuit de secours permet d'alimenter le tableau de contrôle moteur (et par conséquent l’excitation de l’alternateur au démarrage ) par la batterie moteur en cas de décharge profonde du parc servitude.
Je considère mal adaptée la solution consistant à installer un deuxième alternateur sur le moteur, étant donné le peu de charge demandé par la batterie moteur, et les complications de circuit (sans parler du coût des composants) entraînées par le montage de plusieurs répartiteurs. De plus, c'est une absurdité que de croire qu'un alternateur “70Ah“ va gonfler les batteries de 70 ampères en une heure. En moins d'une demi heure, la tension des batteries en charge monte suffisamment pour que le régulateur commence à diminuer la charge. Avec un budget plus important, on peut installer un alternateur plus puissant et “moderne“, qui délivre, grâce à son régulateur spécifique, une courbe de charge plus efficace et rapide, mais on est loin des performances du groupe électrogène, et baser son bilan électrique sur un système de charge par le moteur de propulsion n'est pas cohérent pour un programme de long cours.

- 3) Le répartiteur de charge est de type “moderne“. Les anciens modèles ont le défaut de voler quelques centièmes de volts à l'alternateur, interdisant la recharge complète des batteries sauf si l'on modifie le circuit et l'alternateur, selon les cas. Les modèles de nouvelle génération évitent ces modifications, coûtent plus cher que les anciens, mais permettent d'utiliser au pied levé n'importe quel alternateur (sans avoir à le modifier). Utile dans les pays éloignés de notre technologie. En cas de panne du répartiteur, on chargera alternativement le parc servitude ou la batterie moteur, avec un shunt et deux pinces croco sur les bornes ad hoc du répartiteur.

- 4)Les générateurs autres que l'alternateur du moteur ne sont connectés qu'au parc servitude. Chaque générateur doit posséder son propre régulateur, pour éviter la surcharge des batteries, et ne pas les faire dépendre les uns des autres.

- L'éolienne est le plus mauvais système de charge pour les navigateurs des tropiques, qui ont (presque) toujours le vent portant. Néanmoins il ne faut pas la rejeter car elle offre très souvent un apport non négligeable au mouillage, et du petit largue au près serré. Certains modèles sont plus efficaces que notre Rutland 900 qui est décevante, lourde et relativement encombrante par rapport à ce qu'elle produit.
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- le panneau solaire est le plus efficace de tous les systèmes de charge “écolos“. Il faut trouver la place d'en installer suffisamment, hors zones d'ombres. Le portique est idéal pour cela dans la plupart des cas, néanmoins, la surface exposée au vent peut devenir dangereuse en cas de tempête (Le nôtre fut disloqué et emporté par une vague) . On peut en stocker quelques uns à l'intérieur en navigation, pour ne les utiliser qu'au mouillage, ou les installer à plat pont si la surface exposée au soleil est suffisante. Certains bateaux les arborent dans les filières de chaque coté du cockpit, montés sur une articulation permettant de les orienter à volonté (attention aux vagues). Comptez au moins un panneau de 75w par batterie de 100A, pour un équipement basique avec frigo, et surtout, ne sous estimez pas le diamètre des câbles acheminant le courant au régulateur.

-l'alternateur d'arbre d'hélice est le meilleur ami du pilote automatique. Sa particularité est qu'il produit de l'électricité à faible vitesse de rotation, ce qui fait augmenter mystérieusement son prix de manière inversement proportionnelle à sa capacité. Indispensable en traversée, où il produit jusqu'à 10 ampères dés qu'on avance à plus de cinq nœuds (en fonction de la qualité de l'installation). On l'installe à la jonction entre le moteur et l'arbre d'hélice, ça exige une ligne d'arbre en parfait état (ni tordue, ni désalignée, bague hydrolube en bon état) et un inverseur qui puisse tourner sans dommage en “roue libre“, moteur arrêté.
Nous le mettons en marche à chaque fois que nous faisons route, même au moteur, sa production s'ajoutant alors à celle de l'alternateur moteur. Nous sommes restés autonomes en navigation 5000 miles grâce au notre, après la perte de notre panneau solaire. Evidement au mouillage cela n'allait plus du tout.
On en trouve assez facilement d'occasion dans les “puces nautiques“, parce que les bateaux qui se sédentarisent n'en ont plus l'utilité, cela rend l'investissement moins onéreux.
Pour info, j’ai supprimé le régulateur du notre, introuvable loin de nos côtes, et chargé ainsi mes batteries sans dommage pendant plus d’un an.

- L'hydro-générateur offre une alternative plus simple à installer, mais pas exempte de défauts. C'est un générateur fixé au balcon arrière actionné par une hélice traînée. Il interdit de pêcher à la traîne, impose l'arrêt du bateau pour remonter l'hélice à vive allure, et leur hélice est fréquemment dévorée par des monstres marins. J'ai aperçu un modèle très esthétique qui semble basculer sur son axe pour se transformer en éolienne, et certaines éoliennes sont transformables en hydro-générateurs.

- Le groupe électrogène; deux cas de figure. Beaucoup de bateaux ont un petit groupe à essence, pour charger les batteries en cas de panne des autres moyens de charge, mais aussi pour faire fonctionner de l'outillage. Il pose le problème du stockage de l'essence. Les bateaux qui atteignent un certain niveau d'équipement ont un groupe diesel, l'électricité à bord devient alors un axe de réflexion sur la conception du bateau, et l'esprit du voyage. Réserves de carburant, optimisation de la production, hors sujet pour qui “voyager“ rime avec “simplifier“.

- 5) Le chargeur de quai; lorsque le bateau se repose à quai des ses pérégrinations, on trouve généralement une prise 220v à proximité. Si on installe un chargeur de batteries, il faut qu'il soit adapté au type de batteries utilisé et à la taille du parc (mini 10% de la capacité, soit 30A pour un parc de 300A), qu'il permette l'utilisation du circuit 12v sans solliciter les batteries, qu'il sache les entretenir intelligemment.(charge/absorption/floating). Attention aux chargeurs bon marché qui détruisent les batteries par leur régulation fantaisiste.

- 6) Composants divers;
- pour alimenter les appareils en 220v, on installe un convertisseur qui transforme le 12V des batteries en 220. Pour alimenter une machine à coudre, de l'outillage électrique, les chargeurs d'ordinateurs, de piles, de VHF portable. Le nôtre est un 800 watts, mais on peut en installer plusieurs, dont un moins puissant pour les chargeurs, car plus le convertisseur est gros plus il consomme par lui même. La généralisation des ordinateurs portables à bord amène à prévoir une alimentation spécifique avant le départ.

- Optimiser l'installation électrique, c'est aussi contrôler sa consommation. Certains détails permettent de réduire énormément la consommation d'électricité:
Augmenter la section des câbles d'alimentation des gros consommateurs, qui sont souvent trop faibles en sortie de chantier. Utiliser du câble souple, sans excès de longueur, remplacer tous les câbles qui présentent des signes d'oxydation, étamer leurs extrémités ou connections.
Renforcer l'isolation du frigo.
Régler les voiles pour ne pas faire forcer le pilote automatique.
Utiliser des liseuses halogènes.
Modifier les feux de route en adaptant des ampoules halogènes, le feu de mouillage en adaptant des leds.
Installer un contrôleur de charge électronique, qui calcule ce qui rentre ou sort des batteries servitudes, de manière plus précise qu'un voltmètre.

- Les coupe batteries doivent être installés à l'abri de l'humidité, jamais prés des planchers comme c'est le cas dans la majorité des bateaux de série.

- la protection des circuits par des fusibles peut être avantageusement remplacée par des dirupteurs, bipolaires si la place le permet. Ils servent d'interrupteurs et de fusibles à la fois, et protègent individuellement chaque accessoire important: feux de route, pompe de cale, électronique de bord, groupe d'eau sous pression, frigo, etc…

- Il ne faut pas hésiter à créer des sous tableaux électriques. Nous en avons un qui regroupe les protections du pilote automatique et une prise allume cigare extérieure câblée pour 30 ampères (Phare longue portée). Il est installé à proximité de ces gros consommateurs et de leur source d'alimentation. Cela permet de moins solliciter le câblage du tableau général, de limiter les longueurs de gros câbles, et d'éviter d'occasionnelles baisses de tension au tableau principal.
On peut ainsi imaginer un sous tableau pour le secteur de la cambuse, alimenté en forte section par les batteries, distribuant avec des câbles plus courts et de moindre section l'énergie nécessaire au bric-à-brac culinaire.
Si le tableau principal est monté le long du bordé, il faut l'en isoler parfaitement dans une boite étanche. En cas de chavirage ou d'un coup de gîte à plus de 90°, ou d'un suintement par le pont, l'eau ne pourra pas noyer et détruire les connections, et les composants seront également protégés de la condensation.

Un conseil en matière de conclusion; quel que soit votre degré d'exigence en confort électrique, faîtes le plus simple possible, fuyez l'excès de sophistication qui vous rendra dépendant de l'électricité, alors que c'est l'inverse qui est recherché.

Alex

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