Naufrage au large des sables d'olonne


Rapport de mer : Accident de « MER OCEANE » le 3 novembre 2005 vers 13h30 .

Ayant à convoyer mon Ovni 345 « Mer Oceane » à Port Olonna en vue de travaux à effectuer chez le constructeur, il m’est apparu que la meilleure journée pour ce faire compte tenu des prévisions météo était le jeudi 3 novembre. Seul à bord , j’ai quitté le port des Minimes à La Rochelle le jeudi 3 novembre à 7h30 après avoir pris le bulletin météo diffusé par l ‘émetteur de Chassiron à 7h03. Le vent à La Rochelle était d’environ 10 à 15 nœuds de sud-ouest. Peu de temps après avoir passé le pont de l’ile de Ré , j’ai reçu le BMS n° 112 ayant une fin de validité à 12H UTC . Mon heure prévue d’arrivée était alors de 14h30 /15h . J’ai donc poursuivi ma route. La mer a commencer à grossir vers la pointe du Groin, mais sans déferlantes. Le vent à tourné à l’ouest et je me suis trouvé à naviguer au près avec un vent relatif d’environ 20 à 22 nœuds dans les rafales. La route fond suivie me permettait de rejoindre le chenal d’entrée des Sables sur un seul bord. . A une heure dont je n’ai pas conservé le souvenir , j’ai capté le BMS 113 . Son contenu ne m’a pas inquiété outre mesure si ce n’était sa validité repoussée à 20h UTC et un renforcement de l’état de la mer mais qui m’a semblé être avant tout prévu au nord de la Loire. Ayant déjà navigué par force 9 l’an dernier avec Mer Oceane, le vent ne m’inquiétait pas . Compte tenu de ces dernières informations , j’ai décidé que si je ne pouvais entrer à Port Olonna je poursuivrai vers l’Ile d’Yeu.

La zone de l'accident:
naufrage au large des sables

Vers 13h30, apres avoir assez largement passé Port Bourgenay , alors que j’étais en vue des immeubles des Sables d’Olonne, la mer est devenue subitement blanche d’écume et , alors que précédemment je naviguais en général sur des fonds de 20 mètres , mon sondeur n’indiquait plus que 4 à 5 mètres parfois moins . Le vent indiqué par mon anémomètre était toujours autour de 22 nœuds. J’ai négocié une première déferlante puis une suivante , mais étant déjà au près serré, je ne pouvais pas me mettre face à celles-ci ; j’ai enclenché le pilote en mode vent à 45 degrés et je suis descendu pour mettre le moteur en route . j’ai voulu également mettre mon ordinateur en marche pour consulter la carte de détail et comprendre ce qui se passait .Je n’ai pas eu le temps de faire quoi que ce soit. Le bateau a été pris par une déferlante que je n’avais pas vue venir et je pense que le bateau a fait un tour complet . Il s’est redressé immédiatement et je suis sorti sur le pont après avoir ôté mon gilet qui s’était gonflé. Le mat était cassé en plusieurs morceaux et traînait en partie sur bâbord. Une nouvelle déferlante arrivant sur tribord et parallèle au bateau , pour ne pas être roulé de nouveau et malgré ce qui traînait dans l’eau, j’ai rapidement mis le moteur en route pour y faire face. J’ai ainsi pris 2 ou 3 autres déferlantes de face sans dommage. Mais l’alarme moteur s’est déclenchée et je suis de nouveau descendu pour voir et constater que la courroie d’entraînement de la pompe à eau était cassée. La courroie du 2eme alternateur avait également sauté mais il me semble qu’elle n’était pas cassée . Le moteur s’est arrêté définitivement à ce moment là .

Le seul point connu et vérifié:
naufrage au large des sables

Je suis remonté sur le pont avec la VHF portable pour appeler les secours. A ce moment , je n’étais plus dans la zone des déferlantes et le bateau était stable . J’ai envoyé plusieurs messages « MAYDAY « mais je ne recevais pas de réponse , puis j’ai entendu un « PAN PAN » du CROSS et j’ai cru comprendre que j’en étais la cause. J’ai vu passer un hélicoptère qui allait de Port Bourgenay vers Les Sables mais entre la cote et moi . J’ai pensé qu’il ne m’avait pas vu et je suis descendu chercher le coffret de fusées. Alors que je tentais un premier tir, j’ai vu l’hélicoptère revenir droit sur moi et j’en ai informé le CROSS. J’ai percuté un fumigène orange . Le pilote a fait plusieurs tentatives pour déposer son plongeur sur le bateau puis celui-ci est remonté dans l’hélicoptère pour en ressortir avec des palmes. L’hélicoptère a déposé son plongeur à quelques mètres sur l’arrière du bateau et celui-ci est venu vers moi pour m’annoncer que je devais le suivre car le canot de la SNSM ne pouvait pas sortir et ne viendrait pas. A ce moment là le bateau se trouvait à une distance que j’estimais à un mille, un mille et demi de la cote . J’ai donc pris la décision de l’abandonner et de suivre le plongeur. Je n’ai rien pu prendre à l’intérieur du bateau tant le désordre y régnait .

L’hélicoptère m’a déposé à terre près d’un rassemblement de voitures de pompiers , d’ambulances et de police. Le médecin du Samu m’a fait déshabiller et m’a ausculté. J’ai été emmené par l’ambulance des pompiers à l’hôpital des Sables où le médecin a repris son examen et m’a fait des points de suture à l’arcade souscilliere gauche. J’ai tenté d’appeler mon épouse pour qu’elle vienne me chercher avec des vêtements. Puis le médecin m’a annoncé que l’épouse d’un des sauveteurs SNSM travaillait chez Alubat et qu’elle allait venir me chercher. En fait c’est M Bernard Roucher (directeur commercial Alubat) qui est venu. Entre temps , l’hôpital m’avait prête un pantalon , un polo et une paire de chaussettes pour que je puisse m’habiller. Avec M Roucher nous sommes allés au chantier d’abord puis nous sommes partis à la plage où le bateau avait fait cote. Malheureusement il était arrivé sur des rochers et était en piteux état. Une pelleteuse tentait de le tirer hors de la zone d’estran .Un des sauveteurs de la SNSM m’a annoncé qu’il avait été rempli d’eau et que toute l’électronique était morte. Un autre m’a dit qu’il fallait absolument trouver le moyen de le mettre en sécurité pour éviter les pillards. M Roucher a pris les choses en main pour faire venir une grue et un camion et le bateau a été chargé et est parti chez Alubat vers 20 heures. Alors que je lui proposais de me déposer dans un hôtel pour que ma femme vienne me chercher, M Roucher a tenu à me raccompagner chez moi .

Les douleurs au dos et à l’épaule droite étant de plus en plus difficiles à supporter , j’ai consulté vendredi matin mon médecin qui m’a prescrit des radios. Celles-ci montrent une luxation de l’épaule et une fracture d’une vertèbre . A la demande du radiologue , j’ai passé un scanner ce matin et celui-ci a confirmé un fracture multi-fragmentaire de L3.

Fait à Périgny le 5 novembre 2005 à 18h30 .

André Belmin , coproprietaire et chef de bord de l’Ovni 345 « Mer Oceane »

Mes éléments de réflexion un mois et demi après :

- la dernière fois que j’avais contrôlé ma route (5 ou 10 minutes plus tôt) , j’étais bien pour entrer sur l’alignement marqué sur la carte ; malheureusement mon livre de bord a énormément souffert de l’accident ; c’est un classeur qui était ouvert sur la table à carte et les pages sont perdues (mais ont peut être été récupérées par la gendarmerie sur la plage du Veillon); je n’ai donc pas de positionnement précis pour l’accident.

- J’avais dépassé Port Bourgenai

- dans mon rapport de mer j’ai noté « je naviguais sur des fonds de 20 mètres »
calcul de hauteur d’eau d’apres l’almanach du marin breton :

bm 11h07 : 1,0
pm 17h07 : 5,2 coeff 90
12eme= 0,35
accident vers 13h30 soit env. 2h30 après bm soit 4 douzièmes donc 1,4 m de gain

- j’estime les creux à ce moment là entre 3 et 4 m et je ne navigues pas les yeux rivés au sondeur

- Le vent était passé à l’ouest ; je ne connais pas précisément les courants devant Port Bourgenai mais compte tenu du lieu où Mer Oceane a touché la cote , on peux estimer une dérive d’Ouest en Est

- L’apparition de la mer blanche a été très brutal , sans aucun signe (pour autant que je m’en souvienne ) avant coureur

- il m’a fallut peu de moteur pour sortir de la zone de déferlantes

Je pense donc que je n’étais pas sur les Roches du Jouanne car j’aurais eu une remontée des fonds visible au sondeur bien avant Port Bourgenai. J’en viens à supposer donc que l’accident a eu lieu sur le 9 mètres

naufrage au large des sables

Réflexions sur la préparation du bateau (Ovni 345 de 2000 acheté d’occasion en 2004)

- les 2 panneaux de descente formant capot de moteur ne sont pas fixés ; s’il l’avaient été (et à posteriori cela me semble assez facile à faire ) , un bout (écoute de grand voile) ne se serait pas pris dans les courroies .

- Les verrous « cocotte » ont lâché partout et ne sont donc pas suffisamment costauds pour maintenir le contenu des équipets à sa place.

- Les fonds ne sont pas fixés

- De façon assez surprenante, quand le moteur a calé pour de bon , j’ai tout d’abord pensé à Alain Kalita et à son livre « Je suis né deux fois » et j’ai pensé à faire un gréement de fortune . Mais sur Mer Oceane, le tangon était bien gentiment rangé le long du mat . Si c’est pratique pour le rangement , çà l’est moins en cas de démâtage : le tangon était cassé lui aussi …

- Curieusement , et c’est hélas mon plus grand regret car j’aurais certainement pu sauver le bateau si j’y avait pensé , étant sur des fonds de moins de 20 mètres, j’aurais pu jeter l’ancre ; avec la Spade de 20 kilos et 60 mètres de chaîne de 10, si le bateau n’avait pas été arrêté , sa dérive aurait très certainement été freinée.

Réflexions sur le matériau et sur l’assurance :

- de l’avis de tout le monde , si le bateau avait été en plastique , il n’en resterait rien à l’heure actuelle . Comme j’espère pouvoir partir en « grande croisière « à partir de 2007 et aller faire un tour du coté où il y a des patates de corail , je reprendrai de l’alu ; toutefois, je demanderai à ce que les passe coque soit en alu soudés et non pas en plastique comme c’est le cas sur le 345 …

- Je payais 1200 euros d’assurance ; je ne le regrette pas car le bateau était ainsi assuré en « valeur agrée » soit au montant du chiffrage effectué par l’expert lors de l’achat ; J’avais fait faire un certains nombre de travaux (circuit d’eau chaude par exemple) qui auraient dû donner lieu à une nouvelle estimation du prix du bateau ; je pensais faire prendre cela en compte à la nouvelle expertise l’an prochain …..


Aujourd’hui :

- l’expert nommé par l’assurance a classé le bateau « épave » non économiquement réparable et pour que l’assurance me dédommage, il faut d’abord qu’elle soit vendue. C’est chose faite depuis quelques jours. Le cheque que m’a remis l’acheteur quand il est venu récupérer les coussins et les voiles débarqués portait la mention « compte personnel ».J’en déduit qu’il l’a acheté à titre privé et comme il m’a dit posséder un petit bateau, je pense qu’il va tenter la remise en état et que « Mer Océane » naviguera de nouveau un jour.

- Ma vertèbre continue à me faire un peu souffrir mais me permet tout de même de rester assis une dizaine de minutes de suite

- Un chirurgien spécialisé ami de mon toubib n’est pas partisan d’opérer la luxation de l’épaule ; une amie infirmière me déconseille également de me faire opérer ; grâce à la kiné je n’ai pratiquement pas de gène, tout juste une petite douleur et une bosse à l’épaule , je vais donc attendre….

- Malgré son handicap physique, ma femme a beaucoup apprécié la croisière de 4200 milles de l’an dernier ainsi que les 2000 milles de cette année en Bretagne ; nous allons donc remplacer « Mer Oceane ». très probablement par un bateau neuf (les délais de construction me donneront le temps de me remettre ). Notre expérience de sept mois de croisière sur ce 345 nous poussent à regarder sur la taille au dessus pour disposer d’un peu plus de rangements en vue du grand départ. Mais cela sera principalement conditionné par la possibilité ou non (et à quel prix) d’assurer le bateau.

Quelques photos de Mer Océane à terre:

naufrage au large des sables

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