Caroff, un architecte controversé


Caroff, un architecte aux multiples talents. Souvent controversé, apprécié par les uns et décriés par les autres, il a marqué toute une génération dans les années '60-'70. Bref rappel historique des raisons de cette complexité .

Dans un autre fil, j'ai constaté qvec tristesse que Caroff traînait encore une mauvaise réputation de faiseur de sabots, dont l'origine fut une calomnie particulièrement ignoble, que je vais essayer de vous raconter.

Mais tout d'abord, sachez que limiter Caroff aux bateaux de voyage, en acier ou alu, est une vision réductrice. Certes, il a produit dans ce domaine d'excellents bateaux dont certains font figure de références. Mais il a aussi conçu un mini-transateux (spanielek) arrivé deuxième à l'édition de 1977,
inventant pour l'occasion le principe des doubles safrans.

Il a également imaginé les premiers voiliers d'exploration polaire (les Vagabonds des Januz Kurbiel) qui ont si bien fait leurs preuves qu'ils furent plus que copiés par d'autres... Sans oublier une série de catas en sandwich, les lazzi, très prisés aux USA et dont plusieurs centaines d'exemplaires naviguent dans le monde. Ou encore "Petit requin", un trimaran vainqueur en classe 3 du trophée des multicoques 1982.

Quant à l'histoire de la calomnie, la voici:

En 1968, en pleine pseudo-révolution estudiantine, LN est créé. Cela faisait déjà un an et demi qu'une autre revue de l'époque avait envisagé de créer un cahier "construction amateur", dont la rédaction aurait été confiée à une journaliste professionnelle débauchée d'un grand quotidien politique (Manon en l'occurence) assistée de divers jeunes architectes navals.

L'affaire ayant traîné, car les financiers n'étaient pas convaincus du bien fondé du concept, Manon avait alors décidé de voler de ses propres ailes.
L'époque était propice. Surfant sur les écrits de Jack Kérouac, les révoltes goguenardes de Boris Vian, le côté alors sulfureux du rock et contestataire du blues, la majorité d'une génération se reconnaissait dans le "let drop", simplifié en beatnik puis hippy en France.

Pour le baba cool basique, il n'y avait pas d'autre alternative que les chèvres du Larzac ou les ferro-ciments de Cogolin. ;-) Fuir la société de consommation pour vivre pleinement sa vraie vie, était un leitmotiv à la mode. Qui fut pour certains une philosophie de la vie, à vie...

Moqué, raillé, ridiculisé, le LN des débuts n'était pas pas pris au sérieux par les régatiers et les yachtmen, les vrais plaisanciers quoâââ. Puis, quand il apparut au bout de 2 ou 3 ans qu'il arrachait des parts de marché aux concurrents, certains tentèrent de le torpiller. Le plus virulent étant évidememnt celui qui avait, le premier, eu l'idée des fameux cahiers amateurs!

A cette époque, Harlé, Briand, Joubert (tous des débutants!) signaient des articles dans LN, mais leur réputation grandissante les mettait à l'abri du croche-pied sournois. Caroff, par contre, était le maillon faible. A ses débuts, il avait travaillé dans un cabinet qui avait produit le Galapagos. Il n'en était ni le concepteur, ni le principal artisan. Néammoins, quand le cabinet ferma, il reprit le suivi des plans à son compte. Et pour son plus grand malheur.

Le Galap' était un bateau à la mode amphora qui a fait (et fait encore) le bonheur de nombreux tourdumondistes. Néammoins, la principale critique portait sur le fait qu'il est un "bateau de portant" (il n'est pas le seul!) c-a-d que son fardage et son TE modeste n'en font pas une bête de près. Partant de là, un journaliste de la dite revue concurrente s'acharna contre ce bateau, recueillant d'abord quelques témoignages défavorables, puis montant en épingle un échouement heureusement sans victimes, et enfin poussant le vice jusqu'à en acheter un pour mieux le massacrer!

En ce temps là, les navigateurs n'étaient pas des chochottes et les journaliste nautiques savaient jouer autant du poing que de la plume. Je me souviens d'un Salon épique où le co-proprio de la revue alla régler virilement le différend avec le responsable du magazine concurrent, les deux stands étant dévastés comme après le passage d'un cyclone! Avec les années, et quelques bafouilles d'avocats échangées de part et d'autre, une sorte de paix armée fut conclue, dont les pigistes firent les frais puisqu'écrire dans la revue concurrente était de part
et d'autre une cause immédiate d'exclusion.

Voilà comment ça s'est passé.

Et que je coule à ma prochaine traversée, et que les crabes me bouffent
tout cru, si je mens! Ceci dit, on a parfaitement le droit de ne pas aimer le style de Caroff, comme celui de n'importe quel autre architecte...

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